Marduk

Marduk ou Mardouk (en akkadien, AMAR.UTU en sumérien), appelé aussi Bēl « le Seigneur », est une divinité de la Mésopotamie antique, le dieu protecteur de la cité de Babylone.

Marduk
Dieu mésopotamien
Marduk et son dragon-serpent.
Marduk et son dragon-serpent.
Caractéristiques
Nom Bēl
Nom Amar-Utu
Fonction principale Dieu de Babylone, dieu souverain, divinité agraire, dieu de l'exorcisme
Lieu d'origine Mésopotamie
Période d'origine Mésopotamie antique
Parèdre Sarpanitu
Équivalent(s) par syncrétisme Enlil, Asarluhi, Assur
Culte
Région de culte Mésopotamie (Babylonie et Assyrie)
Temple(s) Babylone
Symboles
Attribut(s) Bêche (marru)
Animal Dragon-serpent (mušhuššu)
Nombre 50

Traits généraux

Noms

Le nom de Marduk a sans doute été prononcé de différentes manières suivant les époques : Marduk, Martuk, Marutu, Marūduk, etc. (ce dernier expliquant la transcription biblique Merodach)[1],[2].

S'il existe des incertitudes sur la prononciation du nom, c'est parce que dans les textes cunéiformes il est écrit en logogrammes qui ne donnent pas d'informations phonétiques. La manière la plus courante d'écrire le nom du dieu est dAMAR.UTU ou dAMAR.UD[3],[4]. En sumérien, cela peut s'interpréter « Jeune taureau du soleil »[5] ou bien « Veau du dieu-soleil »[4]. Il y a plusieurs manières d'analyser cela[6],[4]. Pour la majorité des spécialistes, il s'agit d'une explication étymologique donnée a postériori[7],[1] : le nom du dieu a une origine indéterminé, il renvoie peut-être à une langue qui avait déjà disparu au moment où les premiers textes cunéiformes le documentant sont écrits, et il a ensuite reçu une explication en sumérien, établie par proximité phonétique. Pour d'autres, le nom du dieu est bien sumérien à l'origine, et Marduk/Marutuk ne serait alors que la transposition phonétique en akkadien du sumérien Amar-Utu (après disparition du a- initial, le -k final étant la marque du génitif en sumérien -(a)k[8]). T. Abusch a de son côté proposé une autre explication sumérienne du nom, amar.uda.ak « Veau de la tempête »[9].

Au Ier millénaire av. J.-C., quand il accède au statut de dieu suprême, l’appellatif Bēl « Seigneur/Maître » devient aussi une autre manière de le désigner (situation semblable à celle du dieu de l'Orage de Syrie, Haddu/Hadad, généralement appelé Baal)[1],[9]. C'est sous ce nom qu'il est connu par les auteurs grecs (qui l'interprètent comme un équivalent de leur Zeus)[10].

La liste de dieux An = Anum ainsi que les sixième et septième tablettes d’Enūma eliš donnent chacune une liste de 50 noms qui servent également à désigner le dieu, généralement ceux des dieux du panthéons mésopotamien dont il a assimilé les traits, et qui renvoient plus spécifiquement à certains de ses aspects, alors qu'il est devenu un dieu « total » concentrant les attributs des autres divinités[11]. Parmi ceux-ci Asalluhi, Shazu et Tutu sont souvent employés pour désigner Marduk[12].

Fonctions

Marduk apparaît avant tout dans la documentation cunéiforme comme le dieu tutélaire de Babylone, et sa fortune est liée à celle de cette cité[4],[12].

Il est impossible de déterminer avec certitude quelles seraient ses attributs originels, donc s'il s'agit d'une force de la nature divinisée. Parmi les possibilités avancées, en se fondant sur l'étymologie supposée de son en sumérien, « Veau du soleil/dieu-soleil » il a été proposé qu'il aurait initialement un aspect solaire, perdu par la suite, mais rien ne vient étayer cette proposition[8],[4]. D'autres y voient une divinité liée à l'agriculture et à la fertilité, parce qu'il est symbolisé par la bêche à partir de l'époque kassite[13],[5],[12].

Pour autant que l'on puisse le déterminer, Marduk intègre ses attributs par syncrétisme. Le plus important est, dans la première moitié du IIe millénaire av. J.-C., son assimilation à Asalluhi, dieu de la cité de Kuara, dieu de la magie et de l'exorcisme, plus largement associé à la sagesse et aussi aux plantes, et fils du dieu Enki/Ea[14]. C'est sans doute une manière d'intégrer Marduk, une divinité marginale à l'origine, dans la famille des grands dieux mésopotamiens à l'époque où Babylone devient une puissance politique de premier plan[15],[16].

Avec la poursuite de l'ascension de Babylone dans le paysage politique mésopotamien, puis son accession de manière durable au statut de capitale, Marduk acquiert progressivement le statut de dieu souverain et de dieu suprême, attributs repris au dieu Enlil. Au passage il intègre les aspects d'autres divinités, comme les traits guerriers de Ninurta, fils d'Enlil. Avec Enūma eliš et les autres textes de la théologie babylonienne de la fin du IIe millénaire av. J.-C. et du Ier millénaire av. J.-C., Marduk tend à concentrer les attributs des autres divinités mésopotamiennes, au point qu'il a pu être dit qu'il devient « la somme de tous les dieux  » (S. Maul)[17].

Marduk devient également un dieu à l'aspect protecteur très prononcé, souvent invoqué dans des prières personnelles faisant appel à sa bonté, sa compassion et à capacité à pardonner les fautes. Cela semble être lié à sa fonction de dieu invoqué dans les incantations magiques/exorcistiques[18],[19].

Il a également un aspect astral, quand il revêt l'aspect de l'astre nommé Nībiru/Nēberu, généralement identifié à la planète Jupiter (dans certains cas il pourrait s'agir de Mercure)[20],[21].

Généalogie et entourage divin

Avec son assimilation à Asalluhi, Marduk devient le fils aîné du dieu Enki/Ea, une des principales divinités de Basse Mésopotamie, associée aux eaux souterraines, à la sagesse, aux savoirs et techniques, notamment magiques. Sa mère est la parèdre de ce dernier, la déesse Damkina[5],[22].

La parèdre de Marduk est la déesse Ṣarpanitu(m) ou Zarpanitu(m), mais dans quelques cas c'est Nanaya. Le couple a pour fils le dieu Nabû, dieu des scribes et patron de la cité de Borsippa, voisine de Babylone[7],[5],[22].

L'entourage divin de Marduk comprend plusieurs autres divinités, de rang mineur, tel son porte-siège Madanu, ses domestiques aux noms évocateurs Mina-ikul-beli (« Qu'a mangé mon Seigneur ? »), Mina-ishti-beli (« Qu'a bu mon Seigneur ? »), Nadin-me-qati (« Le verseur d'eau pour les mains »), Mukil-me-balati (« Le porteur de l'eau-de-vie »)[5].

Symboles et images

Sur les stèles et les sceaux, Marduk est symbolisé à partir de la seconde moitié du Ier millénaire av. J.-C. par la bêche à lame triangulaire (marru), ce qui pourrait renvoyer à ses aspects du dieu agraire[13]. Sur les kudurrus ce symbole surmonte généralement une représentation de sanctuaire[5].

Dans les textes, il dispose d'une arme divine, Mushtesir-habli (« Le redresseur de tort »), décrit comme un lion monstrueux, amalgame des deux armes du dieu Ninurta, Sharur et Shargaz[5].

Son animal-symbole est un dragon-serpent, le « serpent furieux » mušhuššu, également associé au dieu Nabû, originellement l'animal des dieux Ninazu et Tishpak de la cité d'Eshnunna[23].

La représentation la mieux connue de Marduk est celle figurant sur un sceau-cylindre en lapis-lazuli daté du règne de Marduk-zakir-shumi (854-819 av. J.-C.) mis au jour dans les niveaux récents de son temple de Babylone et dont l'inscription indique qu'il était destiné à être attaché au cou de la statue du dieu[24]. Le dieu est figuré en homme barbu, coiffé d'une tiare royale, vêtu d'une longue tunique richement ornée, tenant dans sa main gauche la corde et le bâton à mesurer symbolisant la royauté, et de sa main droite une épée à lame recourbée. À ses pieds est assis le dragon-serpent mušhuššu[25],[22].

Notes et références

  1. Frame 1999, p. 6.
  2. Lambert 2013, p. 161-163.
  3. Frame 1999, p. 7 fig.2.
  4. Brisch 2019.
  5. Joannès 2001, p. 494.
  6. Sommerfeld 1987-90, p. 361-362.
  7. Black et Green 1998, p. 128.
  8. Lambert 2013, p. 163.
  9. Abusch 1999, p. 543.
  10. Frame 1999, p. 6-7.
  11. Lambert 2013, p. 147-160.
  12. Jiménez 2019, col. 885.
  13. Black et Green 1998, p. 128 et 168.
  14. Frayne et Stuckey 2021, p. 29 et 202.
  15. Sommerfeld 1987-90, p. 362.
  16. Oshima 2007, p. 349.
  17. Stefan M. Maul, « Image des dieux et image de Dieu au Proche-Orient ancien, ou une mise en garde pour ne pas mettre sur le même plan Dieu et l’image des dieux », dans Thomas Römer, Hervé Gonzalez et Lionel Marti (dir.), Représenter dieux et hommes dans le Proche-Orient ancien et dans la Bible : Actes du colloque organisé par le Collège de France, Paris, les 5 et 6 mai 2015, Louvain, Peeters, , p. 9-10.
  18. Oshima 2007, p. 354-355.
  19. Frayne et Stuckey 2021, p. 203.
  20. (de) Johannes Koch, « Der Mardukstern Nēberu », Die Welt des Orients, vol. 22, , p. 48-72 (JSTOR 25683381).
  21. (en) Francesca Rochberg, « Marduk in Heaven », Wiener Zeitschrift für die Kunde des Morgenlandes, vol. 97 « Festschrift für Hermann Hunger zum 65. Geburtstag gewidmet von seinen Freunden, Kollegen und Schülern », , p. 433-442 (JSTOR 23861428).
  22. Frayne et Stuckey 2021, p. 202.
  23. Black et Green 1998, p. 128 et 166.
  24. Black et Green 1998, p. 129.
  25. Joannès 2001, p. 494-495.
  26. (de) D. Rittig, « Marduk. B. Archäologisch. », dans Reallexicon der Assyriologie und Vorderasiatischen Archäologie, vol. VII, Berlin, De Gruyter, 1987-90, p. 373
  27. https://www.britishmuseum.org/collection/object/W_1881-0324-368

Bibliographie

Sources

  • René Labat, « Les grands textes de la pensée babylonienne », dans René Labat, André Caquot, Maurice Sznycer et Maurice Vieyra, Les Religions du Proche-Orient asiatique, Textes babyloniens, ougaritiques, hittites, Paris, Fayard, , p. 1-349
  • Jean Bottéro et Samuel N. Kramer, Lorsque les dieux faisaient l'Homme, Paris, Gallimard, coll. « NRF »,
  • Marie-Joseph Seux, Hymnes et prières aux dieux de Babylonie et d'Assyrie, Paris, Le Cerf, coll. « Littératures anciennes du Proche-Orient »,
  • (en) Benjamin R. Foster, Before the Muses: an Anthology of Akkadian Literature, Bethesda, CDL Press,
  • (en) Takayoshi Oshima, Babylonian Prayers to Marduk, Tübingen, Mohr Siebeck,
  • (en) Wilfried G. Lambert, Babylonian Creation Myths, Winona Lake, Eisenbrauns,

Synthèses sur Marduk

  • (de) Walter Sommerfeld, « Marduk. A. Philologisch. 1. In Mesopotamien. », dans Reallexicon der Assyriologie und Vorderasiatischen Archäologie, vol. VII, Berlin, De Gruyter, 1987-90, p. 360-370
  • (en) Grant Frame, « My Neighbour's God: Aššur in Babylonia and Marduk in Assyria », Bulletin of the Canadian Society for Mesopotamian Studies, vol. 34, , p. 5–22
  • (en) Tzvi Abusch, « Marduk », dans Karel van der Toorn, Bob Becking et Pieter W. van der Horst (dir.), Dictionary of Deities and Demons in the Bible, Leyde, Boston et Cologne, Brill, , p. 543-549
  • Francis Joannès, « Marduk », dans Francis Joannès (dir.), Dictionnaire de la civilisation mésopotamienne, Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », , p. 493-496
  • (en) Takayoshi Oshima, « The Babylonian God Marduk », dans Gwendolyn Leick (dir), The Babylonian World, New York, , p. 348-360
  • (en) Nicole Brisch, « Marduk (god) », sur Ancient Mesopotamian Gods and Goddesses, Oracc and the UK Higher Education Academy, (consulté le )
  • (en) Enrique Jiménez, « Marduk », dans Encyclopedia of the Bible and Its Reception, vol. 17, Berlin et Boston, Walter de Gruyter, , col. 885-887
  • (en) Douglas R. Frayne et Johanna H. Stuckey, A handbook of gods and goddesses of the ancient Near East : Three thousand deities of Anatolia, Syria, Israel, Sumer, Babylonia, Assyria, and Elam, University Park, Eisenbrauns, The Pennsylvania State University, , « Marduk », p. 201-204

Religion mésopotamienne

  • Jean Bottéro, La plus vieille religion : en Mésopotamie, Paris, Gallimard, coll. « Folio Histoire »,
  • (en) Jeremy Black et Anthony Green, Gods, Demons and Symbols of Ancient Mesopotamia, Londres, British Museum Press,

Babylone

Voir aussi

Articles liés

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