Faustin Soulouque

Faustin Soulouque (né le à Petit-Goâve - mort le dans la même ville)[1] est un militaire et homme d'État haïtien, qui participa à la guerre d'indépendance haïtienne et qui fut président à vie puis empereur d'Haïti sous le nom de Faustin Ier.

Faustin Ier
Illustration.
Portrait de l'empereur Faustin Ier.
Titre
Empereur d'Haïti

(10 jours)
Prédécesseur Sylvain Salnave
(protecteur)
Successeur Sylvain Salnave
(président à vie)

(9 ans, 4 mois et 20 jours)
Couronnement
Prédécesseur Lui-même
(président à vie)
Successeur Monarchie abolie
Fabre Geffrard
(président à vie)
Président à vie d'Haïti

(2 ans, 5 mois et 25 jours)
Élection
Prédécesseur Jean-Baptiste Riché
Successeur Lui-même (empereur)
Biographie
Dynastie Famille Soulouque
Nom de naissance Faustin Élie Soulouque
Date de naissance
Lieu de naissance Petit-Goâve (Saint-Domingue)
Date de décès (à 84 ans)
Lieu de décès Petit-Goâve (Haïti)
Père Jean-Jacques Dessalines
Mère Marie-Catherine Soulouque
Conjoint Sanite Léon
Françoise-Améthyste Christophe
Elizabeth Adélina Levêque
Enfants Avec Sanite Léon :
Fillette Ragonse
Avec Françoise-Améthyste Christophe :
Augustin Soulouque
Marie-Suzanne Olivette Soulouque
Marie-Catherine Soulouque
Avec Elizabeth Adélina Levêque :
Olive Soulouque
Félicité Faustine Soulouque
Célita Soulouque
Héritier Augustin Soulouque (1849-1849)
Olive Soulouque (1849-1867)

Faustin Soulouque Faustin Soulouque
Présidents à vie d'Haïti
Monarques d'Haïti

Fils présumé de Dessalines, il est général pendant la période de la politique dite de doublure (1843-1849), et atteint le grade de commandant suprême de la Garde présidentielle sous Jean-Baptiste Riché en 1846. À la mort de ce dernier en 1847, il est désigné président à vie. Autoritaire et ambitieux, il s'octroie les pleins pouvoirs grâce au soutien de l'armée. En 1849, il met fin à la monarchie élective, modifie la constitution et se proclame empereur d'Haïti donnant naissance au régime du Second Empire haïtien.

Bien vite, il purge l'armée de l'élite mulâtre qui la dirigeait, installe des loyalistes à la peau noire dans les postes administratifs, et crée une police secrète ainsi qu'une armée personnelle. En 1849, il met en place une nouvelle noblesse, composée de certains de ses proches et d'anciens nobles de l'Empire dessalinien et du Royaume nordiste. Sous son gouvernement, il cherche à renforcer le pouvoir impérial en s'appuyant sur une structure sociale hiérarchisée. Il nomme des membres de l'armée à des positions nobles, créant ainsi une nouvelle aristocratie militaire. Cependant, cette tentative de rétablir une noblesse rencontre une certaine résistance au sein de la population et de l'élite haïtienne. La politique intérieure de Soulouque est également caractérisée par un autoritarisme accru, suscitant des mécontentements parmi la population. Les libertés civiles sont restreintes, et la répression politique est utilisée pour étouffer toute opposition potentielle. Ces mesures ont de dures répercussions économiques ce qui aggrave les conditions de vie pour de nombreux Haïtiens.

Sous son règne, il a entrepris plusieurs expéditions militaires contre la République dominicaine voisine[2], mais celles-ci se sont avérées désastreuses, affaiblissant la position du régime. Son autoritarisme a également généré des mécontentements parmi la population et l'élite haïtienne. En 1859, un coup d'État mené par le général Fabre Nicolas Geffrard renverse Soulouque, contraint d'abdiquer, et met fin à son règne impérial[3]. Exilé en Jamaïque, en France puis au Curaçao, il revient à Haïti vers la fin de sa vie. En 1867, son petit-fils naturel, général Sylvain Salnave, renverse Fabre Geffrard puis ramène son grand-père en Haïti en juillet 1867, tout en lui rendant son titre d'empereur[4]. Cependant, Salnave conserve le pouvoir effectif en tant que protecteur de la Nation[5]. À la mort de Soulouque en août 1867, Salnave lui succède en tant que chef de l'État haïtien.

Les premières années

Origines

L'origine du nom « Soulouque », qui n'est pas français, est assez mystérieuse. Il serait originaire du Mali et s'écrirait Soulouk dans la langue arabe, ce qui veut dire « comportement ». Il y a la même incertitude en ce qui concerne Coachi, le surnom affectueux donner à Faustin Soulouque. Selon Théophile Gautier, auteur en 1856 d'une biographie de l'empereur Soulouque[6], qu'il avoue d'ailleurs avoir tirée pour l'essentiel des articles de Gustave d'Alaux[7], Coachi voudrait dire « enfant » dans une ancienne langue africaine.

Jeunesse

esclave à Petit-Goâve en 1782, Soulouque était l'un des deux fils de Marie-Catherine Soulouque. Celle-ci, née à Port-au-Prince, Saint-Domingue, en 1764, était une esclave créole d'origine mandingue. Elle meurt dans la même ville en 1819[8].

Faustin et son frère Jean-Joseph auraient hérités du nom de leur mère à cause du refus de leur père biologique de les reconnaître. Ainsi, les fils Soulouque seraient issus d'une liaison entre Marie-Catherine et Jean-Jacques Dessalines, futur empereur d'Haïti sous le nom de Jacques Ier en 1804 après l'indépendance de la colonie. Ce dernier, déjà père de nombreux enfants naturels, refuse de reconnaître officiellement Faustin et son frère comme étant des « Dessalines »[9]. Malgré cela, lorsqu'il arrive au pouvoir, Dessalines s'occupe de l'éducation ainsi que de la carrière militaire de ses enfants naturels, qu'il accueille en son palais en présence de son épouse, l'impératrice Marie-Claire Bonheur. Cette dernière proposa de tous les adoptés, y compris Faustin et son frère. Mais cette proposition fut alors rejetée par Marie-Catherine Soulouque.

Faustin fut affranchi par le décret de 1793 pris par Léger-Félicité Sonthonax, commissaire civil de la colonie française de Saint-Domingue, et qui abolissait l'esclavage pour répondre à des révoltes d'esclaves commencées en 1791.

Carrière militaire

Premiers faits d'armes

En tant que citoyen libre, il constata que sa liberté était en péril du fait des tentatives du gouvernement français de rétablir l'esclavage dans sa colonie de Saint-Domingue et, de 1803 à 1804, il s’enrôla comme simple citoyen dans l'armée révolutionnaire noire pour combattre au cours de la Révolution haïtienne. Ce conflit fit de Soulouque un combattant respecté et, en conséquence, il fut promu lieutenant dans l'armée d'Haïti en 1806 et devint aide de camp du général André Lamarre lors de la guerre civile entre les partisans d’Alexandre Pétion et d'Henri Christophe[10]. Lorsque Lamarre est tué en 1810 en défendant le Môle Saint-Nicolas contre les troupes de Christophe[11], la légende veut que le jeune Soulouque ait été envoyé à Port-au-Prince remettre à Pétion le coeur du général. En récompense, le président l'aurait nommé lieutenant de cavalerie.

Ascension

En 1810, Soulouque est intégré dans la garde à cheval sous la présidence de Pétion. En 1818, le président Jean-Pierre Boyer le nomme capitaine et commandant de la commune de Plaisance (outre leurs fonctions militaires, les commandants de commune y exerçaient un pouvoir administratif). Il est rappelé dans la capitale pour commander la garde personnelle de Marie-Madeleine Lachenais, épouse du président Boyer. C'est pendant cette période qu'il aurait participé à une conspiration contre ce dernier, inspirée par l'indignation ressentie après la signature du traité de 1825 avec la France de Charles X, mais cette accusation n'est pas prouvée et semble bien sans fondement. Soulouque est ensuite promu chef d'escadron par le président Charles Rivière Hérard, puis colonel et commandant de la commune du Limbé par le successeur de ce dernier, le président Jean-Louis Pierrot. Le prochain président, Jean-Baptiste Riché, le nomme en 1846 commandant de la garde présidentielle avec le grade de général de division. La même année, Soulouque est désigné pour présider le conseil de guerre chargé de juger le général Fabre Nicolas Geffrard, accusé d'avoir conspiré contre le président Riché[12]. Soulouque ne manque pas de courage puisque le tribunal qu'il préside innocente l'accusé.

C'est en somme l'existence sans histoire d'un militaire de carrière en temps de paix que mène Faustin Soulouque jusqu'en 1847. À 65 ans, il a grimpé progressivement tous les échelons de la hiérarchie, et n'est pas loin de pouvoir faire valoir ses droits à la retraite.

Président à vie d'Haïti

La succession de Riché

Portrait de Faustin Soulouque, président à vie d’Haïti.

Le 27 février 1847, le président Riché décède. Pendant son règne, il avait agi comme un homme de paille de la classe dirigeante boyériste, qui se mit tout de suite en quête d’un remplaçant. Chargés par la Constitution de lui choisir un successeur, les sénateurs ne parviennent pas à se mettre d'accord : certaines d'entre eux tiennent pour le général Jean Paul, ancien ministre et maire de Port-au-Prince, d'autres pour le général Antoine Souffrant. Sur la proposition du président du Sénat, Beaubrun Ardouin, conseillé par son frère Céligny Ardouin, ministre de l'Intérieur, les sénateurs s'accordèrent finalement le 8 mars sur le nom du commandant de la garde présidentielle, le général Faustin Soulouque alors surnommé « Bonhomme Coachi », qui avait la réputation d'être un homme modeste, sans ambitions politiques, dévoué, respectueux de l'autorité, illettré et de plus d'une insurmontable timidité qui le faisait parfois balbutier d'une façon inintelligible, et inspirait de sérieuses inquiétudes. Il représenté ainsi le candidat idéal pour la classe dirigeante qui voyait en lui un nouveau président dit de « doublure », oubliant également sa filiation avec l'empereur Dessalines.

Le 1er mars 1847, Faustin Soulouque est désigné président à vie par le Sénat et succède au président Riché, décédé en fonctions. À l'annonce de son élection, le 1er mars 1847, les messagers ont eu toutes les peines du monde à convaincre Soulouque d'accepter le poste et qu'il n'était pas victime d'une mauvaise plaisanterie. Lors du Te Deum chanté à la cathédrale en l'honneur de son investiture, le nouveau président refusa obstinément de prendre le siège qu'on lui avait réservé, persuadé que ce meuble avait été ensorcelé. Il semble en effet avéré que Soulouque était un adepte du vaudou et qu'il croyait fermement aux envoûtements et autres maléfices, mais il est également vrai que ses adversaires se plurent à l'en ridiculiser, et à multiplier les exemples, la plupart inventés probablement de toutes pièces, de sa crédulité de primitif.

Début de règne

Au début, Faustin parut remplir convenablement son rôle de marionnette. Il conserva à leurs postes les ministres de l'ancien président et continua le programme de son prédécesseur. Il fallut peu de temps cependant pour qu’il se débarrassât de ses partisans et se fît le maître absolu de l'État haïtien. Une fois convaincu qu'il avait réellement été nommé, Soulouque s'engagea, dans sa première proclamation à marcher sur les traces de son prédécesseur qui avait renoncé à la dictature et avait placé la chose publique sous l'égide des institutions et des lois, et promis de faire le bonheur de ses concitoyens. Le nouveau président décida en fait de prendre ses fonctions au sérieux et de se faire respecter par ceux qui l'avaient pris pour un président fantoche. Dans la tradition haïtienne, cela voulait dire se comporter en autocrate. Dès août 1847, un ordre du jour met en garde ceux qui songeaient à s'y opposer :

« Tout individu, quel qu'il soit, qui sera surpris tenant des propos séditieux ou qui sera convaincu d'avoir cherché à troubler l'ordre public, sera arrêté, livré immédiatement aux juges et puni avec toute la rigueur des lois. »

Caricature du dessinateur Cham (Le Charivari), représentant Soulouque et son épouse, Adélina Lévêque.

Conscient de son manque d'éducation, Soulouque se faisait lire et expliquer les documents dont il avait à prendre connaissance, et n'en signait aucun avant d'être sûr de l'avoir compris. Bien qu'ayant appris le français, le nouveau président était pratiquement illettré, il se fit donner des leçons de lecture et d'écriture et semble être parvenu à déchiffrer l'imprimé mais, selon les mauvaises langues, pas l'écriture manuscrite. Le 31 décembre 1847, il légitima devant l'Église sa liaison avec Élisabeth Adélina Dérival Lévêque, la concubine avec qui il vivait depuis longtemps. Cette dernière avait la réputation d'être une femme simple et pleine de bon sens. Selon la Biographie de Guérin, elle était une jeune femme demi-mulâtresse gaie, joviale, possédant même l'entrain de son sexe et de son âge, et prenait bien au sérieux son rôle de Première dame.

Affirmation de son pouvoir

Selon le livre de Mark Kurlansky A Continent Of Islands: Searching For The Caribbean Destiny « il organisa une milice privée, les Zinglins, et fit arrêter et massacrer, tous ceux qui s'opposaient à lui, en particulier les mulâtres, consolidant par là son pouvoir sur le gouvernement ». Ce processus, qui comprit un massacre des mulâtres à Port-au-Prince le 16 avril 1848[13], culmina au Sénat et à la Chambre des Députés où il se fit proclamer empereur d'Haïti le 26 août 1849. Soulouque invita également les Louisianais noirs à émigrer à Haïti. Un afro-créole originaire de la Nouvelle-Orléans et qui avait été élevé à Haïti, Emile Desdunes, travailla comme agent de Soulouque et, en 1859, organisa le transport gratuit à Haïti d’au moins 350 personnes désespérées. Un grand nombre de ces réfugiés devaient rentrer plus tard en Louisiane.

Pour mettre fin à des velléités de séparatisme, le nouveau président entreprit une tournée dans le Nord quatre mois après sa prise de fonctions. Par mesure de précaution, il enjoignit sous la menace au cabinet ministériel indigné de l'accompagner. Il laissa en charge à Port-au-Prince le général Maximilien Augustin dit Similien, son ancien camarade de régiment et commandant de sa garde présidentielle. Ce dernier avait une solide réputation de pourfendeur de mulâtres et, profitant de l'absence du président, les soumit à toutes sortes d'avanies et encouragea la populace à brûler leurs maisons. Nombre d'entre eux se réfugièrent dans les consulats étrangers. Similien voulut même remplacer le bleu du drapeau bicolore haïtien par une bande noire pour rappeler le phénotype de la majorité de la population. À son retour à Port-au-Prince, Soulouque annula cette mesure provocatrice et calma l'ardeur de Similien. Il fit néanmoins arrêter, maltraiter et passer en jugement le sénateur et journaliste Joseph Courtois pour avoir osé prendre l'initiative de protester dans son journal : La Feuille du Commerce, contre les exactions de Similien et appelé le public à la résistance. Les juges le condamnèrent à un mois de prison. Soulouque indigné par leur indulgence cassa d'office la sentence et la transforma en condamnation à mort. Le consul de France, Maxime Raybaud, et son homologue britannique Ussher obtinrent cependant la commutation de la peine en ordre de bannissement. Par la suite, le général Similien est placé à la tête des Zinglins, une bande de sans aveux issus pour la plupart des bas-fonds et qui était composé de la fange de la société de la capitale. C'étaient des gens de la plus basse extraction qui nourrissaient des idées de haine contre les mulâtres. Trop ambitieux, Similien, arrêté en 1848, finit par être exécuté sous l'ordre de Soulouque quatre ans plus tard au fort Labouque où le président fit disparaitre de nombreux opposants.

Le règne de Soulouque fut marqué par une violente répression contre l'opposition et par de nombreux meurtres. Le fait que Soulouque était ouvertement un adepte de la religion africaine Vaudou contribua à sa réputation de violence[14]. Au cours de son règne Soulouque fut agi par les préjugés, la haine et la discrimination à l’égard des créoles (les mêmes sentiments existant évidemment en miroir).

Empereur d'Haïti

Avènement de l'Empire

Faustin Ier (Original text: Originaly from The Illustrated London News, February 16, 1856').

Le , il se fait proclamer empereur par le Parlement. Le 26, après que les corps constitués, terrorisés par les Zinglins, avaient imploré le président à vie d'accéder à l'humble supplique de son peuple, Soulouque se fit officiellement acclamé comme nouvel Empereur d'Haïti sous le nom de Faustin Ier par la grâce de Dieu et en vertu de la Constitution d'Haïti, qu'il fit d'ailleurs remplacer par une Constitution impériale. Cette dernière, qui met fin à la monarchie élective de la présidence à vie, stipulait que la dignité impériale était héréditaire dans la descendance directe, naturelle et légitime de Faustin Soulouque, de mâle en mâle, par ordre de progéniture, et à l'exclusion perpétuelle des femmes et de leur descendance. C'est plus par admiration pour son père, l'empereur Dessalines, et pour l'empereur des Français Napoléon Bonaparte, que par vanité pure et simple que Soulouque rétablit l'Empire. Étant en droit de revendiquer cet héritage, sa position est cependant contesté par certains de ses demi-frères légitimes qui lui reprochent de ne pas être un enfant légitime et de ne pas porter le nom de « Dessalines ». Néanmoins, Soulouque fait taire les oppositions, y compris dans sa propre famille et arrête même les plus virulents comme César-Jacques qui est fusiller sous les ordres du nouvel empereur. Pour affirmer durablement sa légitimité, Faustin fait revenir tous les enfants de l'empereur Jean-Jacques Dessalines, c'est-à-dire ses demi-frères et soeurs, et leur redonne le titre de « prince » et « princesse » tout en offrant une pension à l'ancienne impératrice Marie-Claire Bonheur.

Sacre de l'empereur Faustin en 1852.

Son sacre a lieu le , dans un faste ruineux pour les faibles finances de ce pays, et le paiement de la dette doit être interrompu. Soulouque a payé 2 000 £ pour sa couronne et 30 000 £ pour le reste des accessoires (selon Sir Spenser St John, chargé d'affaires britannique en Haïti dans les années 1860, sur son compte: "Hayti ou La République noire", pp. 95–96). Gustave d'Alaux décrit cet événement dans son livre, Soulouque et son empire: « Sa majesté impériale fit appeler un matin le principal marchand de Port-au-Prince et lui ordonna de commander immédiatement à Paris un costume, identique à celui du sacre de Napoléon. Faustin Ier a d'ailleurs commandé pour lui-même une couronne, une pour l'impératrice, un sceptre, un globe terrestre, une main de justice, un trône et tous les autres accessoires, comme tous ceux utilisés lors du couronnement de Napoléon. »

L'empereur prononce son discours et conclut par : « Vive la liberté, vive l'amour ! » (Gustave d'Alaux). Le couronnement est illustré dans l'Album impérial d'Haïti, gravé par Severyn, publié à New York, 1852 (disponible à la British Library). Par la suite, il organise une répression violente contre les mulâtres et rétablit l'absolutisme sur l'île. La constitution impériale, qu'il a lui-même rédigée, proclame l'empire héréditaire, uniquement en ligne masculine légitime. L'unique fils de l'empereur, Augustin[15], étant mort en 1849, l’empereur signa une pragmatique sanction exceptionnelle, afin de faire passer la succession à sa fille aînée, la princesse Olive Soulouque[16].

Politique étrangère

Caricature de Soulouque par Cham (Le Charivari, 1850) : Désirant entreprendre la guerre contre ses voisins et n’ayant pas d’argent pour acheter des fusils à ses soldats, Soulouque fait venir de France un professeur spécial qui leur enseigne la manière de « passer la jambe » à une armée ennemie.

La politique étrangère de l'empereur était centrée sur la prévention de l'intrusion étrangère dans la politique et la souveraineté haïtienne. L’indépendance de la République dominicaine (alors appelée Saint-Domingue), constituait, selon lui, une menace directe pour Haïti[17].

En 1849, Soulouque entreprit sa première invasion de la République dominicaine, mais son armée prit la fuite après la défaite à la bataille d'Ocoa. Une deuxième invasion s'ensuivit en 1850, où Haïti fut soutenue par la France, le Royaume-Uni et des États-Unis. Lors de la troisième et dernière invasion en 1855, Soulouque entra en République dominicaine à la tête d'une armée de 30 000 hommes qui dut battre en retraite. Durant ses trois expéditions, il dut faire face au général Pedro Santana qui dirigeait alors la République dominicaine.

Au cours de son règne, Faustin s'est également trouvé en confrontation directe avec les États-Unis au sujet de l'île Navassa, dont les États-Unis s'étaient emparés avec un motif quelque peu douteux. Faustin envoya plusieurs navires de guerre sur l'île en réponse à l'incursion, mais les retira après que les États-Unis eurent garanti à Haïti une partie des revenus provenant de l'exploitation minière qu'ils opéraient sur l'île.

Noblesse

Pièce de 6 centimes de gourdes, à l'effigie de l'empereur Faustin (1850).

Faustin a tenté de créer un gouvernement centralisé fort qui s'inspirait énormément des traditions européennes, en particulier du Premier Empire de Napoléon. Un de ses premiers actes après avoir été déclaré empereur fut d'établir une nouvelle noblesse, issue de celle de l'Empire dessalinien et du Royaume du Nord.

La Constitution impériale du 20 septembre 1849 accorde à l'empereur le droit de créer des titres héréditaires et de conférer d'autres honneurs à ses sujets. Les volumes 5 et 6 du magazine The National de John Saunders and Westland Marston (publié en 1859) expliquaient que l'Empire était composé de 59 ducs, 90 comtes, 30 chevaliers (mais aucun chevalier), 250 barons et 2 marquises. Les premières lettres patentes ont été émises par l'empereur le 21 décembre 1850. D'autres sources ajoutent "quatre cents nobles" à cette liste[18]. Les créations ultérieures ont étendu le nombre de titres de nobles. Afin de récompenser la loyauté envers l'Empire et d'accroître le prestige de la monarchie haïtienne, Faustin fonda l'ordre militaire de Saint-Faustin et l'ordre civil de la Légion d'honneur haïtienne le 21 septembre 1849. Plus tard, il créa les ordres de Sainte-Marie-Madeleine et de l'ordre de Sainte-Anne en 1856. La même année, il fonda l'Académie impériale des arts.

Chute de l'Empire

En 1858, une révolution commença, dirigée par le général Fabre Geffrard, duc de Tabara et ancien fidèle de l'empereur. En décembre de la même année, Geffrard défit l'armée impériale et s'empara du contrôle de la plus grande partie du pays. Dans la nuit du 20 décembre 1858, il quitte Port-au-Prince dans un petit bateau, accompagné de son fils et de deux fidèles disciples, Ernest Roumain et Jean-Bart. Le 22 décembre, il est arrivé aux Gonaïves, où l'insurrection a éclaté. L'ancien régime de la présidence à vie est acclamé et l'ancienne constitution de 1816 est une nouvelle fois adoptée. Le 23 décembre, le comité départemental des Gonaïves, qui avait été organisé, a décréter l'abolition de l'Empire et l'arrestation de plusieurs membres de la famille impériale. Cap-Haïtien et tout le département de l'Artibonite se sont associés à la restauration de la présidence à vie. Les journées de décembre 1858 et de janvier 1859 affaiblissent considérablement le pays. Les troupes impériales pourtant épuisées et vaincues à plusieurs reprises par les révolutionnaires continuent à se battre contre l'insurrection. Le règne de Faustin Ier prit fin en janvier 1859, comme finissent la plupart des régimes autocrates en Haïti : renversé par un coup d'État militaire, en l'occurence celui que dirigea Geffrard. Outre la rancoeur collective, la rumeur d'un projet de nouvelle expédition contre la République dominicaine avait ému l'opinion publique, fatiguée des défaites déjà subies et angoissée par la perspective de nouvelles conscriptions forcées. Les révolutionnaires, mulâtres pour la plupart, déclarent l'empereur déchu pour avoir encombré les prisons de citoyens sans jugement légal, détourné les fonds du trésor général, détourné le produit de la vente des bois d'acajou fabriqués sur le terrain de l'État, ordonné de secrètes émissions de billets de caisse à son seul profit et pour avoir organisé un pillage à main armé par la marine sur les côtes. Le 23 janvier 1859, le chef des révolutionnaires prend les rênes du gouvernement et s'engage à gouverner selon la loi et dans le respect des droits de l'homme.

Dans son courrier du 8 mars 1859, le journaliste parisien Émile de La Bédollière apprend aux lecteurs du Siècle que le président Geffrard a été solennellement installé le 23 janvier. Il a prêté, au Sénat, serment de fidélité à la Constitution, comme président à vie, et frappé de trois coups de marteau symboliques la Couronne d'or de l'ex-empereur, qu'on avait dépassé sur le bureau. Les proclamations du nouveau gouvernement annoncent des réformes administratives et financières. Il est enjoint aux commandements d'arrondissement de ne mettre personne aux fers qu'en vertu d'un jugement, et de n'infliger des coups de bâton à aucun prévenu.

Exil et fin de vie

Départ vers l'étranger

Caricature de l'empereur Faustin, fuyant le pays après avoir vidé les caisses de l'État, par Honoré Daumier (Le Charivari, 28 février 1859).

Quelques semaines plus-tard, la Chambre des députés décrète le bannissement de l'empereur et de l'intégralité de sa famille. Tous ses biens, ainsi que ceux de son épouse et de ses enfants sont mis sous séquestre. D'abord décidé à faire face, l'empereur marche contre les rebelles qui avaient proclamé sa destitution à Saint-Marc. Mais, malgré quelques succès, ses troupes désertent en masse et l'empereur est forcé de se replier sur Port-au-Prince. Sous la pression, il abdique lorsque les insurgés entrent dans la capitale, le 15 janvier 1859. D'abord réfugié à l'ambassade de France, le soir même, sous la protection de l'ex-Garde Impériale désormais Garde Républicaine et des canonniers de la frégate anglaise Melbourne, il s'embarque avec sa famille pour la Jamaïque après avoir monnayé son passage.

Refusé d'asile par la légation de France, Faustin fut exilé à bord d'un navire de guerre britannique le 22 janvier 1859. Après avoir abdiqué, l'empereur s'exile en Jamaïque et s'installe à Kingston. En exil, il conserve son titre d'« empereur » et compose autour de lui une sorte de « cour ». Par la suite, il part en Europe et visite Paris, avant de s'installer au Curaçao.

Retour en Haïti et mort

Après la chute de Geffrard et l'effondrement de l’État geffrariste, le 2 mai 1867, la famille impériale est autorisée à revenir à Haïti, après la prise de pouvoir de Sylvain Salnave, petit-fils naturel Faustin, qui vient de déposer Geffrard et de l'embarquer à son tour pour la Jamaïque. Ce dernier, qui gouverne comme fut « protecteur de la Nation », rend à son grand-père son titre d'empereur dès son retour le 27 juillet 1867, tout en conservant le pouvoir. Fatigué par le voyage, le vieil empereur s'éteint ainsi le 6 août 1867 à Petit-Goâve, à l'âge de 84 ans, et est inhumé à Fort Soulouque, après avoir reçu des funérailles nationales.

Descendance

L'impératrice Adélina Lévêque.

Le 15 novembre 1809, Faustin Soulouque est fiancé à Sanite Léon. Le mariage ne sera jamais officialisé, mais cette dernière donne tout de même naissance à une fille :

  • Clotilde Fillette Ragonse ou Ragouse[19] (1811-1846)[20], fille naturelle de Soulouque, élevée par la famille Ragonse, et marié au lieutenant Jean-Baptiste Séraphin Salnave[21] en 1825, dont postérité.

Le 24 juillet 1818, Soulouque épouse la fille du roi Henri Christophe, Françoise-Améthyste (1798-1831)[22], avec laquelle il a trois enfants :

  • le prince Augustin Soulouque (1824-1849)[15], fils unique de l'empereur. Marié à Marie-Thérèse Riché[23], il meurt à l'âge de 24 ans, sans postérité ;
  • Marie-Suzanne Olivette Soulouque (1826-1849), mariée à Jean-Chrysostome Océan d’Ulysse, connu sous le nom de Prince Océan, dont postérité ;
  • Marie-Catherine Soulouque (1828-1829), meurt quelques mois après sa naissance.

Après la mort de son épouse, Soulouque se fiance avec Adélina Lévêque en 1846, après une longue liaison, et leur mariage est célébré le 26 août 1849, le lendemain de sa proclamation comme empereur. Adélina est sacrée impératrice avec son époux le 18 avril 1852. Ils ont trois filles :

  • La princesse Geneviève Olive Soulouque, dite « Madame Première », (1842-1883), légitimée par le mariage de ses parents, élevée au rang d'Altesse impériale et reçoit le titre de princesse[24]. Elle épouse son cousin, le prince Pierre-Joseph Théodore de Vil-Lubin, comte de Vil de Lubin[24], dont postérité ;
  • La princesse Félicité Faustine Soulouque (1844-1875), titré princesse, et épouse de Jean-Jacques Anacréon de Vil-Lubin, comte d’Hudicourt[25], dont postérité ;
  • La princesse Célestine Marie Françoise Soulouque (1848-1912), du nom de Célita, porta le titre de princesse et d'Altesse impériale en 1849. Elle fut mariée avec Jean Henri Nord Alexis (1848-1905), duc de l’Avancé et comte de Mirebalais[26], dont postérité.

Références

  1. Official website of the Presidency of Haiti (in French)
  2. Michael Deibert, Notes From the Last Testament: The Struggle for Haiti, Seven Stories Press, , p. 161
  3. Rogozinski, Jan (1999). A Brief History of the Caribbean (Revised ed.). New York: Facts on File, Inc. p. 220. (ISBN 0-8160-3811-2)
  4. (en) « Fort Soulouque », sur fotopam (consulté le )
  5. « SALNAVE », (consulté le )
  6. (en) L'empereur Soulouque et son empire. Haïti. Extrait de la Revue des Deux Mondes (lire en ligne)
  7. L'Empereur Soulouque et son empire (lire en ligne)
  8. « Marie-Catherine Soulouque », sur geni_family_tree, (consulté le )
  9. « Empereurs de Haïti, que sont devenus leurs descendants ? », sur www.monarchiesetdynastiesdumonde.com (consulté le )
  10. « Il �tait une fois Alexandre Sab�s, PETION », sur www.haiticulture.ch (consulté le )
  11. claireenhaiti, « Le Môle Saint Nicolas à travers les âges », sur Claire en Haïti, (consulté le )
  12. Evens Jabouin, « La crise contemporaine haïtienne : entre manœuvres politiques et corruptions », Études caribéennes, nos 45-46, (ISSN 1779-0980, DOI 10.4000/etudescaribeennes.18916, lire en ligne, consulté le )
  13. The Encyclopedia Americana (1920)/Faustin I
  14. The Trial That Gave Vodou A Bad Name
  15. « Augustin Soulouque », sur geni_family_tree, (consulté le )
  16. (en) « Olive Soulouque », sur prabook.com (consulté le )
  17. John E. Baur, « Faustin Soulouque, Emperor of Haiti His Character and His Reign », The Americas, , p. 143
  18. Website of Christopher Buyers
  19. « Clothilde "Fillette" Ragouse », sur geni_family_tree (consulté le )
  20. « Généalogie de Françoise-Clotilde Soulouque », sur Geneanet (consulté le )
  21. « Généalogie de Jean-Baptiste Salnave », sur Geneanet (consulté le )
  22. « Généalogie de Françoise-Améthyste Christophe », sur Geneanet (consulté le )
  23. « Généalogie de Marie-Thérèse Riché », sur Geneanet (consulté le )
  24. Buyers, Haiti, Soulouque Genealogy.
  25. « Généalogie de Jean-Jacques Anacréon de Vil-Lubin », sur Geneanet (consulté le )
  26. « Généalogie de Jean-Henri Nord-Alexis », sur Geneanet (consulté le )

Annexes

Articles connexes

Liens externes

  • icône décorative Portail d’Haïti
  • icône décorative Portail de l’histoire
  • icône décorative Portail de la politique
  • icône décorative Portail de la monarchie
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons – Attribution – Partage à l’identique. Des conditions supplémentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimédias.