Aït Waghlis
Aït Waghlis (en Kabyle : At Weɣlis, en tifinagh : ⴰⵢⵜ ⵡⴻⵖⵍⵉⵙ) est une tribu kabyle, établie sur la rive gauche de la Soummam et le versant sud du mont Akfadou, occupant le territoire constitué approximativement de la commune de Sidi Aïch et des communes avoisinantes[1] : Chemini, Leflaye, Souk Oufella, Tibane et Tinabdher[2]. C'est la tribu la plus importante en nombre de la vallée de la Soummam[3].
ⴰⵜ ⵡⴻⵖⵍⵉⵙ At Weɣlis
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Inconnu |
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20000 (1937) |
Régions d’origine |
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Langues | Kabyle |
Religions | Islam (majoritaire) |
Ethnies liées | Berbères, Kabyles |

Étymologie
Selon une première hypothèse, le nom de la tribu des Aït Waghlis proviendrait du nom de l'ancêtre éponyme Waghlis, un souverain berbère musulman[3].
ancien ancêtre est Tindenses l'un des cinq fils de la légende Djurdjura
A contrario, une autre hypothèse donne une origine commune à l'ethnonyme et au nom kabyle de la panthère, soit la racine berbère γls, et propose deux acceptions : dans la première, le nom waghlis viendrait des couleurs (probablement tachetées) de la panthère que l'on retrouvait sur les tuniques que portaient les waghlissiens ; dans la seconde acception, le nom de la tribu ferait simplement allusion à la bravoure du fauve qui serait un attribut de la tribu[4].
Ce nom de tribu donnera naissance au patronyme al-Waghlisi[5].
Géographie
Localisation de la tribu

Établie sur le versant sud du mont Akfadou, dans la chaîne du Djurdjura, la tribu des Aït Waghlis occupe le territoire inscrit dans le triangle délimité à l’ouest par la rivière Ighzer Amokrane jusqu’au col d’Akfadou (à la limite avec la tribu des Ouzellaguen), au nord par une ligne partant du col d'Akfadou le long de l’oued Remila (à la limite avec la tribu des Aït Mansour), et au sud par la rivière de la Soummam.
Le territoire de la tribu s'étend sur une vingtaine de kilomètres en longueur, de Semaoun à l'ouest à Tinabdher à l'est, et sur une dizaine de kilomètres en largeur, d'Aourir au nord à Takrietz au sud ; Ighzer n Souk délimitant la partie Ath-Sammer à l'Ouest et Ath Mzal à l'Est. Sidi-Aïch constitue un centre reliant le âarchs Ath Waghlis à ses voisins du flanc méridional de la vallée : At-Yemmel Seddouk, Amalou et Imessissen.
Communes et villages de la tribu Aït Waghlis
Les principales localités des Aït Waghlis sont : Aourir Ousammer (Souk Oufella), Bu Mellal, Leflaye, Tibane, Tifra, Tiloua el Qadi (Souk Oufella), Timezgug (Tibane), Tinabdher et Sidi Aïch[1].
Le territoire de la tribu est réparti sur six communes relevant de deux daïras de la wilaya de Béjaïa :
- Daïra de Chemini : communes de Chemini, Tibane et Souk-Oufella
- Daïra de Sidi-Aïch : communes de Sidi Aïch, Leflaye et Tinabdher
Chemini (23 villages) |
Leflaye (6 villages) |
Souk Oufella (12 villages) |
Sidi Aich (2 villages) |
Tibane (11 villages) |
Tinabdher (15 villages) |
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Histoire
Selon les anciens, la tribu des Aït Weɣlis a été très tôt divisée en deux. Au Nord-est se trouvent les At Menzal (communes de Sidi Aich, Tibane, Leflay, Tinebdar) tandis qu'au sud-ouest se situent les At Usammar (communes de Azru n Chemini et Souk Oufella). Les Aït Weɣlis Usammar auraient fait partie de la confédération des Igawawen qui rassemblait beaucoup de tribus des versants nord du Djurdjura. Les At Menzer ont fait alliance avec des tribus de la vallée de la Soummam. Cela explique les différences linguistiques entre les deux factions. Alors que les Usammar (comme ses voisins: Awzellagen, At Ziki, At Idjeur) utilisent des explosives comme les tribus de la confédération des Igawawen (tappurt, heggi, axxam k yemɣaren, axxam-aki), les At Menzal prononcent ces phonèmes comme plus largement dans la vallée de la Soummam (tawwurt, heyyi, axxam yemɣaren, axxam-ayi).[réf. nécessaire][6].
Préhistoire
Dans la préhistoire, la région était déjà occupée. Il existe des grottes dans la région, les plus connues étant celles de Gueldaman (Bou Hamza), Akbou dans lesquelles furent trouvés les objets suivants[7] :
- Des tessons de poteries portant des décors imprimés et incisés qui ont conservés des résidus de miel, de lait et de matières grasses.
- De nombreux outils lithiques et osseux
- Des objets fabriqués à partir d'ivoire d’éléphant, de coquilles d’œufs d’autruche, de carapace de tortue, et de coquillages marins[8].
La présence de ces objets prouve que la région était habitée depuis au moins 5000 avant J.C.
- Localisation des grottes de Gueldaman
Période Numide
Avant les conquêtes romaines, le territoire actuel de la tribu se trouvait sous contrôle des Massyles puis à partir de 202 av. J.-C. du royaume de Numidie avec l'unification par Massinissa.
Période Romaine
Au IIIe siècle, les tribus actuelles Aït Waghlis, Aït Ameur et Fenaïa ne formaient qu'une seule et même tribu, celle des Tindenses qui faisait elle-même partie d'une confédération de 5 tribus, les Quinquégentiens.
La confédération était sous domination romaine mais elle participa, pendant plusieurs siècles, à de nombreuses guerres de résistance ainsi que des razzias sous les ordres de Firmus et Gildon[9].
Moyen-âge
Lors du Moyen-âge, la région restera indépendante et ne sera pas touchée par les conquêtes arabes du fait de la forte résistance. Les habitants sont alors convertis par l'intermédiaire de marabouts. A la suite de la grande révolte berbère, les Ait Waghlis resteront indépendants des Aghlabides, il faudra attendre la formation du califat Fatimide pour que la tribu fasse de nouveau parti d'un état.
Période Hammadide
Pendant le XIe siècle et le XIIe siècle, le vallée de la Soummam est sous contrôle de la dynastie kabyle des hammadides et une route, la Triq sultan, reliant l'ancienne (Kalâa des Béni Hammad) et la nouvelle (Béjaia) capitale du royaume, est construite. Cette route passe par le territoire de la tribu en longeant l'Oued Soummam et correspond aujourd'hui à la route N 26[10].
Royaumes de Koukou et Aït Abbas
Lors du XVIe siècle et du XVIIe siècle, lorsque Bejaïa était alors occupée par les espagnols puis l'Empire ottoman, la région des Ait Waghlis faisait partie par intermittence des royaumes de Koukou et de Ait Abbas[11].
Colonisation française
Lors de la campagne de colonisation française, des combats opposaient la tribu aux hommes du Maréchal Bugeaud en 1841 et certains combattants ont résisté jusqu'à se soumettre, en juillet 1871, au colonel Jean Thibaudin[12].
En 1871, la tribu participe activement à la révolte de Mokrani contre l'occupation française.
Le 13 avril 1872, la commune mixte de Sidi Aich fut fondée puis instituée le 25 août 1880 par le gouverneur général[13].
Période post-coloniale
Culture
Langue
Les Ait Waghlis parlent exclusivement le kabyle. Le dialecte parlé sur leur territoire est le dialecte kabyle oriental central, également parlé par les Ait Aidel et At Khiar[15].
Cette tribu a la particularité, avec quelques autres tribus, d'utiliser la consonne labiale sourde [p][16].
Coutumes et traditions
Les Aït Waghlis sont connus dans la région pour leur pouvoir (qudra) de soigner (ou de traiter) les fractures du corps que leur attribue la coutume[17]. Cette pratique perdure aujourd'hui chez une famille du village d'Ath Soula (axxam n'tbib).
Les Aït Waghlis étaient passés maîtres dans le travail du palmier nain (ddum, igezdem en kabyle)[18].
Économie
La ville de Sidi Aich possédait autrefois le marché le plus important de la vallée de la Soummam. La commune importait et exportait de nombreuses denrées et produits.
Les produits exportés étaient constitués par les biens suivants :
- Scouffins, paniers, nattes, azembils (en palmier nain), couvertures de laine, cuillères et plats en bois, couteaux et pupitres kabyles, cardeurs, socs, charrues, cruches et marmites, peaux de chèvre (sèches et fraiches), peaux de mouton, sel, olives, huile d'olive, figues (fraîches et sèches), caroubes, oranges, citrons, grenades, nèfles, noix, oignons verts, févettes, djelbouns, pois, pois chiches, poivrons (verts ou rouges), cuir, laine en toison, volailles, œufs, suif, viande, miel, cire, noix de galle, savon noir, moutons, chèvres, bœufs et vaches.
Les produits importés étaient également nombreux :
- Gandouras, burnous, chechias, souliers, cotonnades, tapis de luxe, soieries, perles, corail, bijoux kabyles, dattes, sucre, épices, alun, cristaux, ânes, mulets et bien d'autres[12].
Cette tribu possède historiquement de nombreuses ruches à miel, oliviers et récolte également des céréales, du lin et des fruits de diverses espèces. Ils fabriquent aussi des toiles de lin, des étoffes de laine et beaucoup de savon[19].
Personnalités
Politiques et militaires
- Chabour Mohand Seghir (1891-1957) : homme politique, membre du PPA-MTLD, président de l'assemblée de la tribu jusqu'en 1940.
- Mohamed Saïl (1894-1953) : adhérent de l'Union anarchiste et militant de l'indépendance algérienne, y est né[1].
- Mohand Cherif Sahli (1906-1989) : philosophe, écrivain, historien, militant de la cause nationale, ancien ambassadeur du gouvernement algérien[20].
- Abderrahmane Djema (1907-1985) : ancien conseiller général de Bejaia et député communiste.
- Mohand Oukaci Hamaï (1921-2003) : commandant politique de l'ALN (Wilaya III), membre du CNRA, commandant en chef de la base de l'ALN à Tunis.
- Mabrouk Belhocine (1921-2016) : bâtonnier, écrivain et militant de la cause nationale, ancien haut fonctionnaire du GPRA[21].
- Zahir Ihaddaden (1929-2018) : moudjahid[22], historien, journaliste à El Moudjahid, premier directeur de l’École supérieure internationale de journalisme en Algérie, y est né (Sidi Aïch)[23].
- Belkacem Saadi : connu sous le nom du « héros de Elflaye » mort au combat à Tifra en 1959.
- Cherif Souami : militant de la cause amazighe et ancien membre du Haut commissariat à l'amazighité.
- Beliamine Tahar (1932-1961) : Officier de l'Armée nationale, chef de la zone 1 de la région 2 de la Wilaya III.
- Mohand Sebkhi (1938-2019) : Agent de liaison durant la guerre de libération.
- Hachemi Souami : ancien journaliste de la RTA (Ancien sigle de la TV algérienne), devenu député de l’émigration.
- Atmane Mazouz (1970-) : homme politique algérien, président du Rassemblement pour la culture et la démocratie.
Religieux
- Abderrahmane El Waghlissi (1303-1342 ou 1384) : célèbre savant religieux maliki.
- Cheikh El Hadj Hassaïne : fondateur de la plus ancienne zawiya de la région, en 1340. Le village Sidi Hadj Hassaine porte aujourd'hui son nom.
- cheikh Mohand Saïd ou Sahnoune Amokrane (-1889) ; fondateur de la zawiya Taghrast à Chemini vers 1870.
- cheikh Tāhir al-Jazā'irī El Semaouni El Waghlissi (1852-1920) : Savant musulman, homme de lettres, enseignant de mathématiques, sciences naturelles, astronomie et histoire naturelle, inspecteur des bibliothèques de Syrie et Jérusalem, fondateur de la maison de livre Dhahiria à Damas, membre du groupement scientifique du Moyen-Orient.
Écrivains et hommes de lettre
- Mohand Said Hanouz (1902-1998) : écrivain, pharmacien, fondateur et premier président de l'académie berbère.
- Attoumi Djoudi (1938-2021) : écrivain et moudjahid, militant au sein du MTLD membre de l'ALN à partir de 1956.
- Hamid Tibouchi (1951-) : peintre et poète.
- Mohand Akli Haddadou (1954-2018) : linguiste, chercheur et écrivain.
- Mohand-Lyazid Chibout (1963-) : écrivain, poète, correcteur (édition, presse) et chroniqueur algérien kabyle d'expression française.
Musiciens
- Marcel Mouloudji (1922-1994) : chanteur, auteur-compositeur-interprète, peintre et acteur français qui en était originaire par son père.
- Karim Tahar (1931-) : chanteur et boxeur, il est surnommé le Tino Rossi kabyle.
- Abdenour Amour (1952-) : auteur-compositeur-interprète d'expression kabyle.
- Boudjemâa Agraw (1952-) : chanteur, auteur-compositeur-interprète.
- Azerzour (1945-2017) : chanteur et auteur-compositeur-interprète algérien d'expression kabyle.
- Rachid Taha (1958-2018) : chanteur et musicien dont le père, Ali Chérif Taha, est originaire de la tribu.
Cinéastes et acteurs
- Djaffar Gacem (1966-) : réalisateur, scénariste et producteur.
- Yasmine Oughlis (1981-) : animatrice à la télévision française.
Sports
- Mohand Amokrane Maouche (1925-1971) : fondateur et premier président de la Fédération algérienne de football (de 1962 à 1967)[24].
- Mourad Rahmouni (1963-) : footballeur international algérien et joueur à la JS Kabylie évoluant au poste d'arrière droit.
- Faouzi Rahal (1985-) : footballeur évoluant au poste d'attaquant.
- Tassadit Aïssou (1989-) : joueuse de volley-ball.
Voir aussi
Articles connexes
Notes et références
- Camille Lacoste-Dujardin, Dictionnaire de la culture berbère en Kabylie, Paris, La Découverte, , 394 p. (ISBN 2-7071-4588-2), p. 55.
- Yacine Ould Zakres, « Sur les traces des Aït Waghlis : parcours de mémoire », El Watan, no 6551, , p. 16 (ISSN 1111-0333, lire en ligne).
- Foued Laroussi, Plurilinguisme et identités au Maghreb, Publications de l'Université de Rouen, , 124 p. (ISBN 978-2-87775-228-2, lire en ligne), p. 64.
- Youcef Allioui, Les Archs, tribus berbères de Kabylie : Histoire, résistance, culture et démocratie, L'Harmattan, , 406 p. (ISBN 978-2-296-01363-6, présentation en ligne), p. 250.
- M. A. Haddadou, « Ces prénoms que vous portez : Noms de lieux devenus prénoms (I) », Infosoir, (lire en ligne).
- Rapport de la commission chargée de l'application du Sénatus consulte le 25 novembre 1869, présidée par M. Augeraud, colonel commandant la Subdivision de Sétif, Province de Constantine, extrait en ligne [archive].
- Djamil Aïssani, REPERES : l’environnement historique et social de la tribu des Ath Waghlis, Gehimab, , 20 p. (lire en ligne), p. 1.
- Younes Rezkallah, Le néolithique de la grotte de Gueldaman (Babors, Algérie), CNRPAH, (lire en ligne)
- Laporte, J.-P., « Kabylie : La Kabylie antique », Encyclopédie berbère, Éditions Peeters, no 26, , p. 4000–4015 (ISBN 2-7449-0452-X, ISSN 1015-7344, DOI 10.4000/encyclopedieberbere.1400, lire en ligne, consulté le )
- , REPERES : l’environnement historique et social de la tribu des Ath Waghlis, p. 3
- , REPERES : l’environnement historique et social de la tribu des Ath Waghlis
- lien=https://books.openedition.org/pup/49638?lang=fr#ftn78
- « Sidi-Aïch », sur FranceArchives (consulté le ).
- , Printemps Berbère
- , Kabylie : Dialectologie, K. Naït-Zerrad
- , Contes kabyles
- M. A. Haddadou, « Coutumes & Traditions : La magie et ses rites (XV) », Infosoir, no 1842, , p. 6 (ISSN 1112-9379).
- Youcef Allioui, p. 168.
- https://www.google.fr/books/edition/Revue_de_l_orient_et_de_l_Algerie_recuei/CtBWAAAAcAAJ?hl=fr&gbpv=1&dq=%22beni-oughlis%22&pg=PA430&printsec=frontcover
- Le philosophe happé par la politique. Article du journal El Watan du 30/06/2011. Consulté le 09/04/2012.
- Consulté le 9 avril 2012.
- Combattant durant la Guerre de Libération nationale algérienne
- Zoheir Ihadaden - Du maquis au journalisme. Article du journal El Watan du 30/06/2011. Consulté le 15/10/2011.
- Mohand Amokrane Maouche, un pionnier du football algérien Consulté le 06/07/2013.
Bibliographie
- Auguste Veller, Djamil Aïssani et Judith Scheele, Monographie de la commune mixte de Sidi Aïch (1888), Ibis Press, , 94 p. (ISBN 978-2-910728-45-8, présentation en ligne).